Métropolite Mélétios (+1914-1993)

La figure paternelle du Métropolite Mélétios, premier président du Comité Inter épiscopal en France

 

[Photo: le métropolite Mélétios à gauche avec le Patriarche Athénagoras, à Paris] (1)

 

"Décédé à Athènes le 19 avril 1993, le métropolite Mélétios fut jusqu'en 1988, l'évêque du diocèse du Patriarcat oecuménique en France et le premier président du Comité interépiscopal orthodoxe en France. Olivier Clément, professeur à l'Institut de théologie orthodoxe Saint Serge à Paris, a été un ami et un collaborateur proche du défunt. Il a confié au Service orthodoxe de presse le témoignage ci-dessous" (Olivier Clément, « In Memoriam », Service Orthodoxe de Presse, SOP 178, mai 1993) 

 

Le Métropolite Mélétios, Un père et un ami, par Olivier Clément , In mémoriam 

 

 Au centre le Métropolite en discussion avec Olivier Clément

Parler du métropolite Mélétios (photo ci-contre, au centre, le métropolite Mélétios en dicussion avec Olivier Clément - la notice manuscrite des mains de Mgr Jérémie -à l'extrême droite de la photo- informe des personnalités en premier et second rang, à savoir à partir de la gauche, Nicolas Behr (2ème rang), Père Cyrille Argenti (1er ranng), Gabriel Matzneff et Jean Tchékan (en 2ème , derrière le métropolite et Olivier Clément, puis à côté du métropolite Constantinos de Médicis) (2) c’est pour moi, évoquer un homme qui fut à la fois un père et un ami. Un évêque orthodoxe –particulièrement dans la tradition grecque, héritière de la grandeur de Byzance -, le métropolite Mélétios est un homme rempli de noblesse, revêtu d’une certaine majesté. J’ai souvent participé à des célébrations que présidait le métropolite. Il était alors grave et noble, détaché et attentif à la fois, à l’image du Père, comme disait Saint Ignace d’Antioche.

 

Et c'est le même, infiniment simple, qui vous accueillait comme un ami, qui venait à votre rencontre, tel le Père dans la parabole du fils Prodigue, Il refusait alors toute marque de supériorité, il ne s'asseyait pas derrière son bureau mais prenait place parmi ses visiteurs. Et c'était, au coeur de Paris, le rituel de l'hospitalité grecque: en vérité, le seul café buvable dans cette ville !

 

Dans la célébration comme dans l'accueil, un homme sans emphase ni masque, qui était là, avec sa densité d'homme et, dans la conversation, les éclairs d'un humour sans méchanceté.

 

Au long des années - quinze, vingt, je ne sais plus- j'ai vu ses cheveux et sa barbe blanchir, il se voutait, et l'on sentait en même temps s'épanouir en lui une bonté fondamentale. Quand vint la maladie inexorable, il se replia peu à peu sur lui-même, physiquement, et semblait un enfant dans sa très simple soutane noire. Alors, cet homme de foi se tourmentait: par tant de souffrance, Dieu voulait-il le punir, et de quoi ? En réponse, nous parlions de la gratuité de la grâce, à travers la croix.

 

C'était un homme de courage et de prompte décision. Il m'est arrivé, en réflechissant avec lui, de suggérer telle action, telle intervention. Aussitôt, il décrochait son téléphone et appelait la personne adéquate. Je l'ai vu agir, discrètement et fermement, à l'époque de la dictature militaire en Grèce; gardant l'Eglise accueillante pour tous, au-delà des passions; abritant tel prêtre réfugié politique, lui assurant une bourse et un logis; invitant et recevant très ouvertemennt le président Caramanlis.

 

J'ai pu l'observer  au service de la collégialité épiscopale dans ce pays: avec quelle délicatesse, quel respect de chacun et de tous dans les réunions du Comité interépiscopal, sachant mener une discussion, faire naître une décision mûrie dans la réflexion commune  (photo ci-contre: aux côtés de gauche à droite, des Métropolites Elie d'Alep, Méliton de Chalcédoine, et Nicodème de Leningrad, lors d'une concélébration de la Pentecôte, et de l''Archidiacre Stéphanos, actuel métropolite de Talinn, Estonie - Patriarcat oecuménique) (3) et ci-après: accueillant à la cathédrale Saint Stéphane, le métropolite de Leningrad, Nicodème) (4). Il faut souligner en particulier de quelle manière exemplaire il n'a cessé de se conduire envers l'Archevêché d'origine russe et l'Institut Saint-Serge, les protégeant dans l'espace pacifié qu'offre le Trône oecuménique, tout en respectant scrupuleusement leur spécificité. Souligner aussi sa générosité, son accueil fraternel envers les Antiochiens et leur évêque, au moment où grossissait le flux des réfugiés libanais, leur offrant sa cathédrale pour célébrer, chaque samedi soir, la liturgie eucharistique, les associant au déroulement des grandes fêtes, dans l'usage alors conjoint du grec et de l'arabe.

 

 

Par goût personnel et par formation théologique, il avait une foi très biblique et il avait longtemps animé, après son arrivée en France, un cercle d'études bibliques. Il prenait très au sérieux la scène du Jugement au 25ème chapître de l'Evangile selon saint Matthieu. Il fut ainsi, en France, le seul évêque orthodoxe à visiter régulièrement les prisons. Il fit construire le Foyer héllénique de Châtenay-Malabry pour permettre aux enfants de familles pauvres de faire leur apprentissage ou des études avancées, foyer doublé plus tard pour accueillir les étudiantes grecques venant dans la région parisienne.

 

Il sut affirmer paisiblement mais solidement la présence orthodoxe en France, aussi bien devant les autorités politiques que dans les milieux oecuméniques (ci-contre lors de la première rencontre entre toutes les confessions chrétiennes en France, organisée à Chatenay-Malabry et photo ci-après avec le Pape Paul VI au Vatican) (5) (6). Il racontait en souriant la joie qu'avait manifestée Georges Pompidou lorsqu'il lui avait offert une icône de saint Georges -un saint qu'on ne vénère plus dans l'Eglise catholique avait remarqué, non sans quelque mélancolie, le président.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 Le métropolite défendait fidèlement l'héritage héllénique, mais il était ouvert à tout ce qui se cherche en France pour un meilleur témoignage de l'orthodoxie. Il a toujours soutenu le travail de la Fraternité orthodoxe, il fut présent à tous les congrès d'Europe occidentale lorsqu'ils se tenaient en France, présidant la grande concélébration à laquelle ils culminent.

 

Sur le style de la présence orthodoxe dans notre pays, il s'est très clairement exprimé à l'occasion du doctorat honoris causa que lui avait conféré en mai 1993 le Séminaire Holy Cross, aux Etat-Unis.

 

L'Eglise orthodoxe en France, disait-il, s'interdisant à la fois le repli ethnique et le prosélytisme, doit assurer une rencontre en profondeur de l'Occident et de l'Orient chrétiens. Pour cela, il lui faut représenter toutes les nuances de l'orthodoxie, les coordonner, traduire leur message dans des catégories mentales compréhensibles aux hommes d'aujourd'hui, seul moyen d'ailleurs pour elle de s'attacher sa propre jeunesse. La diversité actuelle des obédiences orthodoxes ne serait une gêne que si chacune se refermait sur elle-même. "Il ne s'agit pas de supprimer cette diversité, mais de la rendre symphonique". L'affermissement  du Comité interépiscopal autour du représentant du Trône oecuménique, gardien de l'unité et de l'universalité de notre Eglise, semblait au métropolite la voie concrète pour coordonner en France les forces de l'orthodoxie, selon une présence ecclésiale originale qui "à long terme, sur cette vieille terre chrétienne, servira la réémergence et la recomposition de l'Eglise indivise".)

 

 

Note Editoriale: les photos ont été ajoutées à l'article publié au Sop pour les besoins d'illustration de la présente page sur le métropolite Mélétios

 

 

 

(1) [crédit photo] Archives de Monsieur Antoine Nivière, rédacteur en chef du Service orthodoxe de presse.

(2 à 6) [crédit photo] Archives personnelles de son Eminence le métropolite Jérémie de Suisse

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